Si l’art relève d’un processus de création, comment faire un enseignement et une médiation de l’art comme « création » ?

L’art est difficile à définir. Lorsqu’on parle d’art, on aborde souvent la question du beau. Le « beau » est lui aussi difficile à définir, il est subjectif. Dans l’approche classique, on tente de le définir en termes de régularité, de symétrie, de proportion. Mais l’art n’est pas simplement quelque chose de beau qui produirait aux spectateurs une sensation de plaisir. Dans les théories classiques, on pense l’art comme l’imitation de la nature, des choses belles. Dans cette idée, l’art doit donc être compris à partir de la nature, à partir du beau. Mais, l’art n’est pas fondé sur la représentation de la nature telle qu’on peut la voir, ni sur le beau. En effet, toutes les oeuvres ne sont pas belles, la beauté n’est qu’une variété de l’art.

On entend aussi souvent dans nos sociétés occidentales que l’art a pour finalité de nous transmettre un message. Dans ce sens l’art serait réduit à un outil de communication, un outil utilisé par l’artiste pour nous transmettre un message. Mais si l’artiste voulait juste faire passer un message, pourquoi compliquerait-il autant les choses en passant par l’art ? S’il passe par l’art au lieu d’écrire un tract, c’est surement qu’il veut transmettre autre chose, nous conduire à nous poser des questions, provoquer en nous des émotions. Prenons l’exemple du roman, dans un roman ce n’est pas forcément le thème qui compte. Les thèmes sont d’ailleurs assez récurrents, tels que l’amour, la mort, la guerre, etc. Ce qui est le plus important dans un roman, ce n’est pas le thème mais le style, c’est-à-dire la manière dont est construit le récit. L’artiste, s’appuyant sur un thème maintes fois abordé, va avec son roman sortir des chantiers battus, il va être original, en trouvant une manière de dire autrement ce qui a déjà été dit avant ou en disant quelque chose qui n’a jamais été dit. L’artiste va alors « créer ». Toutes les œuvres n’ont pas de message et une œuvre peut contenir une pluralité de messages mais ce n’est pas en tentant de décrypter des significations que l’on pourra véritablement entrer dans l’œuvre.

L’art parait donc être avant tout un événement de « création ». La production artistique est une production qui se distingue des autres. Lorsqu’il fait de l’art, un artiste donne naissance à des figures, des formes, des expressions, des mises en question réflexives et critiques, comme on ne les avait jamais vues ou ressenties auparavant. Une œuvre d’art est quelque chose de nouveau, d’inédit. C’est une « nouveauté création », différente de la « nouveauté innovation » que l’on peut rencontrer régulièrement dans notre vie quotidienne. A l’inverse de la « nouveauté innovation », la « nouveauté création » ne vient pas répondre à des besoins anciens, on ne l’attendait pas et elle n’a pas d’utilité. Il faut donc arrêter de chercher des fonctions à l’art, de le justifier, en le considérant comme un objet de communication porteur d’un message à décrypter. La « nouveauté création » nous surprend, elle nous bouleverse et bouleverse l’art déjà existant. L’art permet de créer des choses qu’on n’a jamais vues, des émotions qu’on n’a jamais ressenties c’est en ce sens qu’il est « créateur ». Si on considère l’art comme « création », on n’a plus besoin du critère du beau car celui-ci ne rend pas compte de l’art. On peut donc parler de la production artistique comme d’un processus de « création » même si certains sociologues matérialistes, comme Pierre Bourdieu, refusent le terme « création » au profit du terme « production » qui réintroduit la position matérialiste dans l’art. Selon eux, le terme « créer » est connoté d’un discours de type religieux qui exclurait l’idée d’un travail artistique, d’un travail du matériau pour arriver à l’œuvre d’art. Le terme « création » au sens religieux renvoie à l’acte de Dieu de créer le monde à partir de rien, or l’artiste ne crée pas une œuvre à partir de rien. C’est en travaillant le matériau que l’artiste donne naissance à quelque chose d’inédit, à une émotion. Mais on ne peut pas nier la dimension « création » de la production artistique, ce n’est pas une production comme celle de l’artisanat. A la différence d’un artisan, l’artiste ne sait pas à quoi il va advenir, ni comment, lorsqu’il débute une oeuvre. Il va partir d’une idée et travailler le matériau en cherchant à ce que quelque chose d’inattendu de l’ordre de la nouveauté arrive. Dans l’art, l’artiste engage tout son corps, mobilise toutes ses ressources dans l’espoir d’arriver à une transformation, à une « création ». Celle-ci n’arrive pas comme cela mais découle véritablement du travail du modelage du matériau (choix des couleurs, des instruments, du mouvement, etc.), du corps à corps entre l’artiste et celui-ci qui est aussi sollicité dans tous ses aspects. L’artiste crée une oeuvre sans qu’il sache ce qui se passe dans le processus de « création ». Lors de ce processus il nait quelque chose de vivant qui vit de lui-même car il est indépendant de l’acte de production lui même. Il y a donc aussi une sorte d’obscurité dans l’art qui échappe à l’artiste lui même qui ne peut pas expliquer ce qu’il a fait et ne peut pas le reproduire. Le terme « création » ne semble donc pas être trop fort pour rendre compte de la production artistique. L’art n’est pas une simple production technique, dans la production artistique il se passe quelque chose de nouveau qu’il faut saisir, il se passe un événement de « création » qui est obscur et vit de lui même. Mais, il ne faut pas oublier que ce quelque chose ne tombe pas du ciel (pour ne pas dématérialiser l’art et le sacraliser) mais vient du travail du matériau réalisé par l’artiste. C’est ce travail qui conduit à une nouveauté. La « création » n’est pas du au génie, qui n’existe pas, mais au travail. Pour rendre compte de la production artistique comme d’un processus de « création », il faut donc élaborer une médiation de l’art comme « création ».

A l’école, l’art est abordé à travers les programmes d’éducation artistique et culturelle. Depuis 2008, le champ des arts concernés a même été élargi (bande dessinée, danse, urbanisme, art de rue, etc.) avec le nouveau programme d’histoire des arts mais la production artistique n’est pas abordée comme un processus de « création ». L’art est prescrit sous forme de liste d’œuvres proposée aux enseignants. Il est abordé de manière esthétique, la question de l’événement de « création » n’est pas posée. Cette manière traditionnelle d’appréhender l’art n’est pas présente qu’à l’école mais aussi dans certaines institutions culturelles. Les enseignements de l’art à l’école relèvent plus de l’enseignement de la culture artistique que de l’art comme « création ». Pour l’école, l’art fait partie de la culture qu’il faut connaitre pour devenir un sujet « développé ». L’école cherche à faire des élèves cultivés et non des élèves créatifs. Elle cherche donc à travers l’art à instruire mais aussi, comme on le voit quelque fois apparaitre dans les textes officiels, à donner du plaisir. La notion de plaisir reste cependant peu évoquée car ce n’est pas la vocation de l’école qui se situe peu sur la dimension affective mais plutôt sur la discipline, l’apprentissage de la loi pour devenir citoyen. L’art a donc des visées utilitaires pour l’école : instruire et donner du plaisir. L’art et la culture sont confondus alors qu’ils sont différents, l’art relève de l’émotion, de l’esthétique, tandis que la culture relève plus du savoir. A l’école, les œuvres sont donc abordées de manière très informative, une présentation culturelle en est faite au détriment de l’interrogation de l’aventure de « création ». On peut le constater dans le programme d’histoire des arts où l’Education Nationale énonce quatre critères pour analyser une œuvre d’art : les formes, les techniques, les significations, les usages. Ces critères objectifs ne nous permettent pas de penser ce qu’il se passe dans une œuvre d’art, de rentrer dans l’émotion, de comprendre pourquoi elle nous bouleverse et d’aborder l’aspect « créatif » de l’art. En appréhendant l’art comme culture, d’un point de vue historique, l’école ferme donc la dimension artistique et créative. Cette manière d’appréhender l’art ne permet pas aux enfants de rentrer dans l’œuvre, de toucher l’être du spectateur. On reste dans la théorie et on ne rentre pas dans une « expression affectante ». En plus du programme d’histoire des arts, depuis quelques années, des dispositifs se mettent en place pour développer l’éducation artistique et culturelle comme les classes à projet artistique et culturel, les résidences d’artistes, les ateliers artistiques en collège et lycée. Ces dispositifs paraissent plus à même de permettre de faire une médiation de l’art comme « création », mais ils restent faiblement développés sur le territoire.

Comment aborder l’aspect « création » de l’art ? Comment rendre les enfants sensibles à la « création » ? Comment faire pour qu’ils comprennent le processus de « création » ? Comment éveiller en eux le désir et le plaisir ?

Il faut tout d’abord arrêter d’accoler ensemble les termes « artistique » et « culturel ». Au lieu de faire une médiation culturelle, il faudrait faire une médiation artistique et créatrice pour rendre compte du processus de « création ».

Pour aborder l’aspect « création », entrer dans l’œuvre, il faudrait arrêter de rester sur le plan objectif et entrer dans l’affectif avec notamment un usage « expressif affectant du langage ». Pour aborder une oeuvre, communiquer sur une émotion qu’elle provoque, il faudrait avoir recours à une médiation qui est elle-même affective. En général, à l’école, on s’interdit ce registre de parole expressive affectante mais dans l’art il est important pour entrer dans la « création », pour sentir un affect ou l’identifier. Il ne faut pas hésiter à utiliser un vocabulaire de l’ordre de la métaphore pour rendre compte des expressions que dégagent les oeuvres et permettre ainsi de toucher les enfants. Dans la vie de tous les jours, dès qu’on est affecté on passe par la métaphore dans notre langage avec des expressions telles que : avoir les bras qui nous tombent, avoir les dents longues, montrer les crocs, rentrer dans sa coquille, être sur les rotules, etc. L’art étant quelque chose qui nous affecte, nous devrions également passer par la métaphore lorsque nous parlons d’une oeuvre. Un usage artistique du langage, un langage presque poétique, pourrait en effet être une bonne forme de médiation de l’art comme « création ».

Pour rendre les enfants sensibles à la « création », l’intervention d’artistes peut être très bénéfique. Qui mieux qu’un artiste peut parler de « création » ? Lorsque la médiation est faite par un artiste elle est différente de celle faite par un enseignant dans un cours magistral qui délivre des connaissances. Lorsqu’il nous parle de son travail, l’artiste transmet son processus de « création » avec conviction et énergie, son récit est vivant, il raconte son parcours, les difficultés, ce qui a marché. Il faut néanmoins qu’il fasse preuve de pédagogie pour que son discours soit accessible. Les résidences d’artistes sont en ce sens de bons moyens pour aborder la production artistique. Elles permettent aux enfants d’approcher des artistes, un projet de « création », d’entrer avec l’artiste dans sa production artistique et même parfois d’y participer. Nous pouvons citer comme exemple le château d’Oiron où les élèves de 6ème avaient été associés à un projet de « création » de Charlotte Nessi qui devait produire un opéra de György Ligeti. Tout d’abord, les élèves ont participé à des ateliers qui leur ont permis de découvrir par la pratique l’œuvre de Ligeti. Au lieu de commencer par la partition, ils sont partis d’onomatopées (qui sont les éléments de la partition), de sons de la vie quotidienne en faisant des improvisations. Une fois qu’ils avaient eux-mêmes construit quelque chose avec des onomatopées, ils ont écouté l’œuvre de Ligeti qui leur a paru alors moins abstraite que s’ils l’avaient écouté de prime abord. Cela les a poussé à réfléchir au processus de « création », ce qui a conduit ensuite à une meilleure adhésion. Les élèves grâce à une approche ludique et à une réflexion sur le processus de « création » de l’œuvre ont acquis des clés leur permettant d’approcher la musique contemporaine, ils sont entrés dans l’œuvre de Ligeti. Ils ont travaillé ensuite avec des artistes pour la « recréation » de l’opéra de György Ligeti et ont participé à la représentation sur scène à l’Opéra national de Paris. La médiation d’une œuvre pourrait donc être faite par un artiste qui utiliserait un registre de parole expressif affectant pour parler de l’œuvre et tenterait par ce biais et son expérience de la « création » de faire entrer les enfants dans le processus de « création » de l’œuvre. Mais, organiser de telles rencontres avec des artistes peut être difficile, si on ne peut pas le faire, on pourrait aussi lire ou faire lire des écrits qu’ont fait certains artistes comme Baudelaire sur des œuvres d’art pour s’en inspirer. La médiation pourrait aussi être réalisée par un artiste d’un art différent ou identique, qui ferait une œuvre à partir d’une œuvre qu’on souhaite médier, l’œuvre créée pour la médiation deviendrait ainsi un matériau pour aborder l’œuvre. C’est ce qui est fait au Louvre cette année, pour les nocturnes les jeunes ont la parole, avec l’intervention de designers qui réalisent une médiation des œuvres du musée à partir de leurs « créations ».

Si l’on n’est pas artiste, pour réaliser une médiation de l’art comme « création », il faudrait partir des œuvres qui nous ont bouleversé, qui nous ont marqué et ne pas avoir imposé un art prescrit sous forme de liste comme c’est le cas pour les enseignants à l’école. Dans les institutions culturelles, cela peut aussi être le cas : les médiateurs devraient aussi pouvoir choisir les œuvres sur lesquelles ils font la médiation et travailler avec les commissaires d’exposition. Les œuvres ne devraient pas être imposées à ceux qui en font la médiation avec un discours prédéterminé, historique et esthétique, sur elles. Certes, ce n’est pas parce qu’une œuvre nous touche nous que ce sera de même avec une autre personne, mais lorsqu’on parle d’une œuvre qui nous touche on utilise un langage expressif affectant, on transmet une émotion qui donne envie aux autres de s’ouvrir à l’œuvre pour éprouver la même chose. Lorsqu’on est ému par une œuvre, on a envie d’en faire la médiation, d’expliquer ce qui se passe, ce qu’on ressent. Lorsqu’on part des expériences, des questionnements et qu’on élabore quelque chose ensemble avec les élèves une énergie particulière se dégage permettant une meilleure ouverture à l’œuvre comme on l’a vu avec l’exemple du château d’Oiron.

Pour un enseignement et une médiation de l’art comme « création », il ne faut pas oublier de rendre les enfants créatifs, leur permettre d’expérimenter, de pratiquer eux mêmes. L’école devrait valoriser la « création ». Les enseignements artistiques à l’école devraient permettre d’ouvrir aux enfants un autre monde, que celui des programmes scolaires, auquel ils sont confrontés habituellement. Ils devraient pouvoir pratiquer, mettre en jeu leurs corps tout au long de leur scolarité et pas seulement en maternelle. L’atelier permet de pratiquer, il est très répandu dans les musées pour sensibiliser les enfants à l’art. En principe, il peut être réalisé avant ou après la découverte des œuvres. Mais, dans le cadre d’une médiation de l’art comme « création », il pourrait être préférable de faire un atelier avant de découvrir des œuvres d’artistes qui ne seraient montrées qu’à la fin. Cela permettrait aux enfants d’expérimenter la « création » en tentant de réaliser un événement de « création ». C’est ce qui est fait au Centre Pompidou où les enfants réalisent l’atelier avant qu’on leur montre les œuvres. Cette année, pendant l’exposition sur Matisse, le Centre Pompidou proposait aux enfants durant l’atelier de s’inspirer d’un espace (qui avait été créé pour l’occasion) pour réaliser une nature morte avec des courbes, des arrondis, une simplification des formes, comme le faisait l’artiste. L’atelier est alors utilisé comme outil de médiation introduisant le travail de « création » de l’artiste. Un atelier en amont est donc préférable à un atelier après une visite qui serait une sorte de « formatage », de validation du statut de l’art qui a été vu pendant la visite et laisserait moins de place à la créativité des enfants. En effet, partir d’une œuvre d’un artiste et la reproduire, comme ce qui est souvent fait dans les centres socioculturels ou à l’école, a peu d’intérêt et ne permet pas de rentrer dans la « création ». Ce n’est pas en regardant la reproduction d’un tableau et en se servant de celle-ci comme modèle que les enfants vont pouvoir vivre une expérience de potentiel de « création ». On peut néanmoins partir d’une œuvre pour un atelier, mais il faudrait s’inspirer de la figure, la forme ou l’expression et la présenter dans un autre type d’art. Sinon, on pourrait s’inspirer de l’événement de « création » et en réaliser un autre, une autre figure, forme ou expression pour ne pas se limiter à tenter de faire comme l’artiste.

Comme nous pouvons le remarquer avec les exemples que nous avons abordés, une médiation de l’art comme « création » demanderait du temps, plusieurs visites des institutions culturelles et/ ou plusieurs rencontres avec des artistes. Cela reviendrait à un certain coup (transport, ticket d’entrée, paiement de l’intervenant) et demanderait d’accorder plus de place à l’art dans les programmes scolaires. Mais, pour sensibiliser les enfants à la « création » un atelier de 2h ne suffit pas, voir une seule œuvre d’un artiste non plus. Il faut véritablement construire une relation avec les enfants dans le temps. Voir rapidement le plus d’œuvres possibles dans un musée ou voir une seule œuvre d’un artiste en classe ne permet pas de rentrer dans le processus de « création ». Pour entrer dans l’univers de l’artiste, il faudrait voir plusieurs œuvres. Voir des rétrospectives d’un artiste serait un bon moyen pour aborder cela. On pourrait alors voir comment un motif est travaillé créativement, comment l’artiste est hanté par celui-ci, comment l’artiste fait pour donner une impression, etc. En voyant différentes œuvres d’un même artiste allant dans la même direction les enfants pourraient comprendre que l’artiste cherchait quelque chose, qu’il a inventé quelque chose. Ils apprendraient alors sur la « création artistique ». Dans la même visée, il serait également intéressant de voir des esquisses ou des films retraçant les étapes de l’œuvre pour entrer dans le processus de « création ». Pour ce qui est du théâtre, il serait par exemple intéressant de voir les répétitions d’un spectacle, voir le processus de « création » en train de se faire mais cela parait difficilement réalisable.

Il ne faut donc plus se limiter à l’analyse de critères objectifs, au contexte historique et social, au repérage des techniques, à l’analyse formelle de la composition. Ces critères ne nous touchent pas et ne permettent pas de faire ressentir l’événement de « création ». Pour que les enfants soient touchés et entrent dans l’œuvre, il faut leur faire ressentir un événement de « création » qui est inédit et vit de sa propre condition. Il faut donc aider les enfants à entrer dans les toiles, à saisir quelque chose du travail du matériau, du modelage et non se limiter à une analyse formelle de composition. Il faut donc tenter d’entrer dans le travail que l’on suppose avoir été fait pour advenir à la « création », capter la dernière phase et comprendre que celle-ci vient du travail du matériau. Il nous est possible de rejoindre l’expérience de « création » car on a tous été « créateur » dans sa vie. L’art n’est étranger à personne, c’est ce qui nous permet d’aller vers l’art, d’être spectateur. Dans l’enfance, on a tous fait du modelage libre, de la pâte à modeler, des babils. Ces expériences de potentiel de « création » dans l’enfance nous permettent de rejoindre l’expérience du « créateur », d’entrer dans l’œuvre. En s’interrogeant sur le processus de « création », les enfants vont se demander comment le travail du matériau a conduit à l’évènement qu’ils voient ou entendent. A partir de l’œuvre, du produit fini, ils vont aller vers le « créateur », vers le travail du matériau fait par celui-ci. En se posant des questions, en pratiquant, en entrant dans le travail du matériau, les enfants vont faire l’expérience de l’art comme « création ».

Il apparait donc y avoir un grand nombre de ressources pour faire un enseignement ou une médiation de l’art comme « création » : l’utilisation d’un langage affectif affectant, l’intervention d’artistes, médier des oeuvres qui nous affectent, faire pratiquer les enfants, voir des rétrospectives d’un artiste, etc. Mais pour pouvoir faire cette médiation à l’école, il faudrait complètement repenser notre rapport au monde. En effet, l’école et notre société ne cherchent pas à faire des sujets créateurs, le travail en classe ne l’est pas, tout est programmé. On forme les enfants à délivrer des contenus tout faits, ils sont rarement mis en recherche de savoir, de créativité. La « création » ne semble pas avoir véritablement de place reconnue dans notre culture occidentale où on nous apprend à maitriser les objets, les produire, les consommer. La « création » ne permet pas de tout maitriser, c’est peut être pour cela qu’elle est peu valorisée dans notre société. L’artiste est un être à part, considéré comme un génie ou comme un fou. L’art et la vie normale paraissent donc incompatibles. L’enseignement et la médiation de l’art faite à l’école, font peu pratiquer les enfants, ne leur apprennent pas à entrer dans l’art, comme pour leur montrer que l’art existe mais que ce n’est pas pour eux. Cette manière de faire la médiation de l’art n’est probablement pas faite sans raison, donc il semble difficile de la modifier au sein de l’école.

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